vendredi 6 novembre 2015

Dis Maman, pourquoi je ne suis pas une fille ?


1981, foetus je pousse, fille je suis, Céline je me prénomme. 
1982 Jean-Baptiste je nais, maman a eu tord. Dis Maman, pourquoi je suis pas une fille ? 
1984, elle chante maman a tord, 1986, je suis libertine, 1988, Ainsi soit-je, Sans Contrefaçon, Sans logique, Pourvu qu’elles soient douces. 
J’ai 6 ans et je suis déjà obsédé par sa mélancolie, la noirceur de ses textes, la sobriété sophistiquée de ses clips. 
1991, je suis d’une génération Désenchantée, je suis ce texte, je suis ce chaos, j’aimerais ne pas avoir de Regrets, mais c’est déjà trop tard, le temps file, j’ai 9 ans et It’s beyond my control, je t’aime déjà ô mélancolie. Je ne comprends pas mes maux intérieurs, mais elle les met en mots. Ses textes travaillés, poétiques, culturellement riches me parlent. Je ne sais comment l’expliquer mais la fascination grandit, elle m’habite. Je m’émeus devant la beauté de l’émoi qu’elle suscite. 
1995, j’ai 13 ans et je m’Anamorphose, elle aussi. Le style est plus lumineux, le mien s’assombrit. Je ne voudrais plus voir Comme j’ai mal, j’ai trouvé mon hymne. Je bascule à l’horizontal, démissionne ma vie verticale, ma pensée se fige animale, abandon du moi, plus d’émoi. Je porte un masque, je suis le clown triste, je suis Tristana. Je crois bien que d’héritage mon silence est meurtrier, aussi bien satanique, qu’angélique, de ce paradoxe je suis complice. Tout ça n’a plus de logique. Ma vie non plus. Tant pis.
1999, Je te rends ton amour. Je découvre les émois des premières amours et je me mens, je n’ai pas choisi de l’être mais… j’ai l’âme-stram-gram, Pardonne-moi. 
2001, C’est une belle journée et je vais me tuer. Ce sont les paroles originelles, les seules qu’elle ait délibérément auto-censuré, elle a bien fait, j’aurais pu craquer. 
2005, je m’affirme, Fuck them All, si je dois mourir demain, je saurais que j’ai aimé. Avant que l’ombre ne s’abatte à mes pieds pour voir l’autre côté, je suis à Bercy, janvier 2006, une semaine pour me remettre de ce concert surréaliste. La prêtresse entre en scène et il va se produire quelque chose, une magie, une communion, nous ne faisons qu’un. Son meilleur concert de loin. Jamais égalé. 
2008, il va me falloir des points de suture, je saigne, je n’adhère plus, je ne comprends plus, je suis dépassé. 
2009, je ne suis plus mélancolique, je lui fais mes adieux au Stade de France, grandiose, notre collaboration doit cesser. Elle a duré vingt ans, m’a animé, consumé, nourri. 

Je n’ai pas d’explication à proprement parlé, mais il existe une communion entre elle et nous, c’est indescriptible. Elle met en son et image nos blessures, nos doutes, nos conflits intérieurs et peut-être parce que nous n’en sommes pas capables seuls c’est la raison pour laquelle nous lui en sommes reconnaissants. C’est certainement ça la vérité de l’artiste, être un humain comme les autres, avec des émotions, des peurs, des sentiments, mais avec le génie en plus qui permet de transcender la douleur pour en faire quelque chose. Nous nous identifions à elle tout simplement parce qu’elle est chacun d’entre nous, le même humain fait de chair et de sang. Elle saigne, nous le dit, nous le montre et l’écho en nous est retentissant. Tout ceci semble parfois ridicule, d’aucuns nous trouveront pathétiques et c’est certainement la vérité, mais qui a la capacité de nous révéler à nous-mêmes ainsi. L’art a ceci d’exquis qu’il permet de s’exprimer et les plus grands amateurs d’art sont probablement ceux qui n’ont pas trouvé comment dire leurs maux. C’est peut-être parce que j’ai commencé à écrire que je me suis éloigné, j’ai trouvé mon canal expressif, ma douleur parle, je la laisse prendre la parole, vous dire mon mal, mes rêves déchus, mes utopies irréalistes. Je ne renie rien, j’ai aimé ces vingt ans d’amour passionnel, j’y reviens régulièrement, nostalgique de la première heure. Elle a rendu hommage au mouton de Saint Exupéry, moi aussi, sans même m’en rendre compte. La magie de l’art c’est qu’il laisse une jolie trace dans l’inconscient et sait quand il est opportun de se manifester. Je crois que je vais y revenir, je me sens insondable ces temps-ci… Interstellaire. Merci M.

2 commentaires:

  1. Joli texte, bel hommage.
    On m'a parlé de votre livre. Je ne le trouve pas en pdf version pc. Comment faire ???

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  2. Bonjour et merci pour ce commentaire.
    Le livre existe en format numérique ici :
    http://www.amazon.fr/Croix-du-Mouton-Jean-Baptiste-Cureau-ebook/dp/B013SX6GVC/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1449682395&sr=8-2&keywords=la+croix+du+mouton

    et en format papier ici :
    http://www.amazon.fr/Croix-du-Mouton-Jean-Baptiste-Cureau/dp/1515369749/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1449682395&sr=8-1&keywords=la+croix+du+mouton

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