jeudi 19 novembre 2015

Je fais un rêve

23 Août 1963, il avait un rêve. 52 ans plus tard et avec quelques adaptations, vous constaterez qu'il est toujours d'actualité. Je me suis autorisé l'appropriation et la modification (légère) de ce sublime discours car il devrait faire partie de chacun d'entre nous, à chaque seconde de notre existence et pas seulement lorsque l'on est secoué par le chaos.

"Je suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour participer à ce que l’histoire appellera la plus grande démonstration pour la liberté dans les annales de notre nation.
Nous sommes venus en ce lieu sacrifié pour rappeler au monde les exigeantes urgences de l’heure présente. Ce n’est pas le moment de s’offrir le luxe de laisser tiédir notre ardeur ou de prendre les tranquillisants des demi-mesures. C’est l’heure de tenir les promesses de la démocratie. C’est l’heure d’émerger des vallées obscures et désolées de la violence pour fouler le sentier ensoleillé de la justice. C’est l’heure d’arracher notre monde des sables mouvant de l’injustice et de l’établir sur le roc de la fraternité. C’est l’heure de faire de la justice une réalité pour tous les enfants du monde. Il serait fatal pour la nation de fermer les yeux sur l’urgence du moment. Cet étouffant automne du légitime mécontentement des hommes ne se terminera pas sans qu’advienne un hiver vivifiant de liberté et d’égalité.
2015 n’est pas une fin, c’est un commencement. Ceux qui espèrent que les hommes avaient seulement besoin de se rassembler et qu’ils se montreront désormais satisfaits, auront un rude réveil, si la nation retourne à son train-train habituel.
Il n’y aura ni repos ni tranquillité en ce monde jusqu’à ce qu’on ait accordé au peuple tout entier ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte ne cesseront d’ébranler les fondations de notre monde jusqu’à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse.
Mais il y a quelque chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui donne accès au palais de la justice : en procédant à la revendication de notre liberté, nous ne devons pas nous rendre coupables d’agissements répréhensibles.
Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous devons toujours mener notre lutte sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever jusqu’aux hauteurs majestueuses où la force de l’âme s’unit à la force physique.
Le merveilleux esprit militant qui a saisi la communauté internationale ne doit pas nous entraîner vers la méfiance de tous les Musulmans, car beaucoup de nos frères, leur présence ici aujourd’hui en est la preuve, ont compris que leur destinée est liée à la nôtre. Le rassemblement que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée universelle. Nous ne pouvons marcher tout seul au combat. Et au cours de notre progression il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière.
Il y a des gens qui demandent aux militants des Droits Civiques : “ Quand serez-vous enfin satisfaits ? ” Nous ne serons jamais satisfaits aussi longtemps que l'homme sera la victime d’indicibles horreurs de la brutalité terroriste. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos corps, lourds de la fatigue des voyages, ne trouveront pas un abri dans les motels des grandes routes ou les hôtels des villes.
Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que la liberté de mouvement de l'homme ne lui permettra guère que d’aller d’un petit ghetto à un ghetto plus grand. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos enfants, même devenus grands, ne seront pas traités en adultes et verront leur dignité bafouée. Non, nous ne sommes pas satisfaits et ne le serons jamais, tant que le droit ne jaillira pas comme l’eau, et la justice comme un torrent intarissable.
Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduis ici par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine d’étroites cellules de prison. D’autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d’être battus par les orages de la persécution et secoués par les bourrasques de la brutalité. Vous avez été les héros de la souffrance créatrice. Continuez à travailler avec la certitude que la souffrance imméritée vous sera rédemptrice. Ne croupissons pas dans la vallée du désespoir.
Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal universel. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “ Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux ”.
Je rêve qu’un jour nous puissions nous asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve qu’un jour, même la Syrie, un Etat où brûlent les feux de l’injustice et de l’oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice.
Je rêve que mes quatre neveux et nièces vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !
Je rêve qu’un jour, un jour tous les petits garçons et toutes les petites filles pourront se donner la main, comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve !
Je rêve qu’un jour toute la vallée sera relevée, toute colline et toute montagne seront rabaissées, les endroits escarpés seront aplanis et les chemins tortueux redressés, la gloire de l'univers sera révélée à tout être fait de chair.
Telle est notre espérance. C’est la foi avec laquelle je vous écris.
Avec cette foi, nous serons capables de distinguer dans la montagne du désespoir une pierre d’espérance. Avec cette foi, nous serons capables de transformer les discordes criardes de notre monde en une superbe symphonie de fraternité.
Avec cette foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de défendre la cause de la liberté ensemble, en sachant qu’un jour, nous serons libres. Ce sera le jour où tous les enfants du monde pourront chanter ces paroles qui auront alors un nouveau sens : “ Mon pays, c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante. Terre où sont morts mes pères, terre dont les pèlerins étaient fiers, que du flanc de chacune de tes montagnes, sonne la cloche de la liberté ! ” Et, si le monde doit être une grande nation, que cela devienne vrai.
Que la cloche de la liberté sonne du haut des merveilleuses collines de Paris ! 
Que la cloche de la liberté sonne du haut des montagnes grandioses de l’Etat de New-York ! 
Que la cloche de la liberté sonne du haut des sommets d'Afrique ! 
Que la cloche de la liberté sonne du haut des cimes neigeuses des montagnes rocheuses de l'Himalaya ! 
Que la cloche de la liberté sonne depuis les pentes harmonieuses de l'Asie !

Mais cela ne suffit pas.
Que la cloche de la liberté sonne du haut du mont Sinaï d'Egypte ! 
Que la cloche de la liberté sonne du haut de la Russie ! 
Que la cloche de la liberté sonne du haut de chaque colline et de chaque butte de l'Afghanistan ! Du flanc de chaque montagne, que sonne le cloche de la liberté !

Quand nous permettrons à la cloche de la liberté de sonner dans chaque village, dans chaque hameau, dans chaque ville et dans chaque Etat, nous pourrons fêter le jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les Juifs et les non-Juifs, les Protestants, les Musulmans et les Catholiques, pourront se donner la main et chanter les paroles du vieux Negro Spiritual : “ Enfin libres, enfin libres, grâce en soit rendue au Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres ! "

vendredi 6 novembre 2015

Dis Maman, pourquoi je ne suis pas une fille ?


1981, foetus je pousse, fille je suis, Céline je me prénomme. 
1982 Jean-Baptiste je nais, maman a eu tord. Dis Maman, pourquoi je suis pas une fille ? 
1984, elle chante maman a tord, 1986, je suis libertine, 1988, Ainsi soit-je, Sans Contrefaçon, Sans logique, Pourvu qu’elles soient douces. 
J’ai 6 ans et je suis déjà obsédé par sa mélancolie, la noirceur de ses textes, la sobriété sophistiquée de ses clips. 
1991, je suis d’une génération Désenchantée, je suis ce texte, je suis ce chaos, j’aimerais ne pas avoir de Regrets, mais c’est déjà trop tard, le temps file, j’ai 9 ans et It’s beyond my control, je t’aime déjà ô mélancolie. Je ne comprends pas mes maux intérieurs, mais elle les met en mots. Ses textes travaillés, poétiques, culturellement riches me parlent. Je ne sais comment l’expliquer mais la fascination grandit, elle m’habite. Je m’émeus devant la beauté de l’émoi qu’elle suscite. 
1995, j’ai 13 ans et je m’Anamorphose, elle aussi. Le style est plus lumineux, le mien s’assombrit. Je ne voudrais plus voir Comme j’ai mal, j’ai trouvé mon hymne. Je bascule à l’horizontal, démissionne ma vie verticale, ma pensée se fige animale, abandon du moi, plus d’émoi. Je porte un masque, je suis le clown triste, je suis Tristana. Je crois bien que d’héritage mon silence est meurtrier, aussi bien satanique, qu’angélique, de ce paradoxe je suis complice. Tout ça n’a plus de logique. Ma vie non plus. Tant pis.
1999, Je te rends ton amour. Je découvre les émois des premières amours et je me mens, je n’ai pas choisi de l’être mais… j’ai l’âme-stram-gram, Pardonne-moi. 
2001, C’est une belle journée et je vais me tuer. Ce sont les paroles originelles, les seules qu’elle ait délibérément auto-censuré, elle a bien fait, j’aurais pu craquer. 
2005, je m’affirme, Fuck them All, si je dois mourir demain, je saurais que j’ai aimé. Avant que l’ombre ne s’abatte à mes pieds pour voir l’autre côté, je suis à Bercy, janvier 2006, une semaine pour me remettre de ce concert surréaliste. La prêtresse entre en scène et il va se produire quelque chose, une magie, une communion, nous ne faisons qu’un. Son meilleur concert de loin. Jamais égalé. 
2008, il va me falloir des points de suture, je saigne, je n’adhère plus, je ne comprends plus, je suis dépassé. 
2009, je ne suis plus mélancolique, je lui fais mes adieux au Stade de France, grandiose, notre collaboration doit cesser. Elle a duré vingt ans, m’a animé, consumé, nourri. 

Je n’ai pas d’explication à proprement parlé, mais il existe une communion entre elle et nous, c’est indescriptible. Elle met en son et image nos blessures, nos doutes, nos conflits intérieurs et peut-être parce que nous n’en sommes pas capables seuls c’est la raison pour laquelle nous lui en sommes reconnaissants. C’est certainement ça la vérité de l’artiste, être un humain comme les autres, avec des émotions, des peurs, des sentiments, mais avec le génie en plus qui permet de transcender la douleur pour en faire quelque chose. Nous nous identifions à elle tout simplement parce qu’elle est chacun d’entre nous, le même humain fait de chair et de sang. Elle saigne, nous le dit, nous le montre et l’écho en nous est retentissant. Tout ceci semble parfois ridicule, d’aucuns nous trouveront pathétiques et c’est certainement la vérité, mais qui a la capacité de nous révéler à nous-mêmes ainsi. L’art a ceci d’exquis qu’il permet de s’exprimer et les plus grands amateurs d’art sont probablement ceux qui n’ont pas trouvé comment dire leurs maux. C’est peut-être parce que j’ai commencé à écrire que je me suis éloigné, j’ai trouvé mon canal expressif, ma douleur parle, je la laisse prendre la parole, vous dire mon mal, mes rêves déchus, mes utopies irréalistes. Je ne renie rien, j’ai aimé ces vingt ans d’amour passionnel, j’y reviens régulièrement, nostalgique de la première heure. Elle a rendu hommage au mouton de Saint Exupéry, moi aussi, sans même m’en rendre compte. La magie de l’art c’est qu’il laisse une jolie trace dans l’inconscient et sait quand il est opportun de se manifester. Je crois que je vais y revenir, je me sens insondable ces temps-ci… Interstellaire. Merci M.