dimanche 10 avril 2016

Nobody knows


Ecrire mon désespoir, longtemps j’y ai songé, rarement me le suis autorisé. Je crois que j’ai peur. Peur de moi, peur des autres, des questions auxquelles je ne tiens pas à répondre, des émotions dont je me refuse à faire face, de la pitié, de la sympathie larmoyante, de tous ces sentiments humains dont j’exècre le plus souvent la banalité. 

Il est des heures où ma peine semble plus profonde que l’abysse, et la mort m’apparaît bien souvent comme une agréable compagne. Je me trouve dans un de ces jours où la vie ne fait plus sens. Je me sens seul, sale, triste, pathétique, éprouvant, éprouvé, proche du renoncement. Cela ne durera pas. Je maîtrise le fonctionnement de cette ellipse momentanée et submergeante. Je retrouverai la vitalité, le goût de vivre, le plaisir d’être, mais cela ne sera pas pour ce soir. 
Un flot émotionnel incontrôlé, incontrôlable me submerge. Je ne suis plus que l’ombre de mon ombre. Je me vis en déchet humain, un amoncellement de poubelles malodorantes, incommodantes. Et il n’y a ni explication, ni mot qui ne sauraient me faire revenir à la positivité. Ainsi sois-je. 

Je n’ai jamais vraiment aimé la vie. Pourquoi ? Je l’ignore. Je la trouve d’un ennui affligeant. Si les émotions ne sont pas intenses, à quoi bon en avoir !  
Le tiède m’horripile, la froideur me vivifie et la chaleur me consume. Là où d’aucuns voient la vie en noir ou en blanc, moi je semble saisir toutes les nuances de gris. Pauvre petit garçon doué d’une terrible affliction. 

J’éprouve bien des difficultés à entrevoir non seulement le bout du tunnel, mais plus encore le prochain virage. J’avance dans le noir le plus ébène. Où cette vie veut-elle me mener ? Chaque seconde s’étire en une minute qui m’apparaît bien interminable. Suis-je insensé de croire que la vie est trop longue ? Suis-je insensé de croire que la vie me consume tel un fétu de paille ? Suis-je encore sensé ? Ai-je perdu la foi ? Tant d’interrogations qui me hantent au quotidien et ne trouvent pour seul écho que la misanthropie de mon désespoir. 
On m’enjoint : « écris, cela te fera du bien ». Mais cet écrit me libèrera-t-il véritablement de mes turpitudes atrabilaires ? Nobody knows. Nobody knows à quel point je puis éprouver de mépris pour l’existence lorsqu’elle me chahute un peu trop. Nobody knows dans quel état de détestation je puis sombrer à quelque occasion. Nobody knows si je m’en sortirais, enfin, un jour. 


Un sourire de façade, une capacité au rebondissement, une volonté de résilience, parfois tous ces potentiels m’affligent d’une inouïe violence. Je hais ces autres comme je hais cette vie. Je me méprise comme on méprise la mort. J’ai perdu mes pouvoirs, temporairement certes, mais je ne parviens plus à donner le change. Il est certainement temps de prendre ce repos tant mérité. Je ne joue plus, je me présente, dans toute ma vérité, sans fard, avec mes fardeaux. La peine en bandoulière, le boulet de la tristesse chevillé au corps, je n’éprouve plus le besoin de plaire, juste d’être tout simplement. Être en accord avec mes vérités, être en accord avec mes sommets et mes abysses, être vu dans le plus simple appareil de ma nudité émotionnelle. Un être fait de doutes, de peurs, d'incertitudes, de certitudes, de violence, de sentiments crus, à vif, écorché je suis.